Le Cinéma, Hollywood, etc
3 Octobre 2015. La rentrée est passée. Et ce début de mois plein de contradictions (météorologiques), de défis et de créativités culturelles semble être le moment idéal pour inaugurer notre blog par un rapide état des lieux dans une catégorie qui nous tient particulièrement à coeur : Le Cinéma, Hollywood, Etc... Rien d'exhaustif ni de bien méchant ici, juste une analyse subjective et nègrement assumée de la situation.
Une analyse ou devrait-on plutôt dire un perpétuel questionnement quant à la place qu'occupe le Noir dans la culture. Sachant que tout questionnement contient originellement sa réponse consubstantielle, voici l'objet de ce blog :
Quelle est l'image moderne de l'Homme noir ? L'image actuelle est-elle l'image dominante ? Cette image de nous, véhiculée par les médias mainstreams est-elle vraiment notre image consacrée ? Sur quels mécanismes et fonctionnements logiques repose-t-elle et pourquoi ? Comment la changer ?
Allons droit au but.
La magnifique actrice afro-américaine Viola Davis vient de recevoir à 50 ans, l'Emmy Award de la meilleure actrice principale dans une série dramatique. L'Emmy est la plus importante des récompenses décernées aux professionnels de la télévision américaine, l'équivalent de l'Oscar pour le petit écran.
Cette année, la consécration pour la meilleure actrice principale dans un rôle dramatique est un évènement majeur unanimement reconnu comme tel puisque pour la première fois depuis sa création, le prestigieux prix revient à une lauréate noire.
L'Académie des Emmys dispense ses bons points depuis 1949. Seulement depuis 1949.
Il aura donc fallu attendre le siècle suivant pour voir ça. 67 Cérémonies...
Vraiment, il n'y a guère de quoi pavoiser.
Tant pis pour ceux (nous pensons ici de manière non exhaustive à Diahann Carroll, Olivia Cole, Madge Sinclair, Phylicia Rashâd, sa non moins talentueuse soeur Debbie Allen - à Moses Gunn, Ben Vereen, Yaphet Kotto, Antonio Fargas, Bill Cosby ou même Lawrence Tero - a.k.a Mister T.), hommes et femmes qui légendes vivantes ou pas, sont définitivement arrivés et/ou partis trop tôt du petit et/ou du grand écran.
En effet, ils n'ont tout simplement pas eu la patience d'attendre que l'Amérique blanche progressiste se sente enfin prête à reconnaître puis à récompenser leurs talents indéniables...
[Aux Emmy Awards, le discours émouvant de Viola...]
C'est un peu comme lorsque l'Académie des Oscars s'est enfin décidée à voir que Denzel Washington était là et surtout qu'il existait aussi, dans des rôles principaux. Et comme un bonheur (aussi amer soit-il) n'arrive jamais seul, ces gens de l'avant-garde culturelle américaine, on constaté qu'il y avait aussi des femmes noires exerçant dans cet office. La même année, la belle Halle Berry a donc été félicité pour sa prestation dans l'infâme À l'ombre de la haine. Confirmant un message politique sans ambiguité que nous nous proposerons de décortiquer au fil des articles prochains.
Nous supposons que Angela Bassett, Oprah, Whitney Houston, ou l'inégalable Akosua Busia n'étaient pas encore au niveau... de la suprême consécration.
Lors de sa nomination une Viola Davis submergée par l'émotion a déclaré ceci :
"La seule chose qui sépare les femmes de couleur de n'importe qui est l'opportunité... Vous ne pouvez remportez d'Emmy pour des rôles qui ne sont tout simplement pas là."
En effet, pour voir et récompenser le travail des acteurs mais aussi des professionnels noirs dans les autres catégories du show business, il faudrait déjà qu'ils puissent avoir l'occasion de montrer ce travail.
Quand un professionnel éminemment puissant (à Hollywood) comme l'acteur Matt Damon est incapable de concevoir la nécessité et la pertinence de la diversité dans la constitution du staff de production d'une série mettant en scène un homme blanc tombant amoureux d'une prostituée noire... que dire ?
[L'échange révélateur entre Matt Damon et Effie Brown...]
Celui-ci estime que la diversité vaut face à la caméra mais pas derrière et il n'hésite pas à imposer son opinion qu'il croit de toute évidence, juste et modérée face à la productrice Effie Brown abasourdie par sa vision péremptoire des choses.
A ce titre, The Project Greenlight l'émission de télé-réalité dont est tirée cette anecdote révèle de bien intéressantes choses. Le show est fait pour montrer au public chaque étape du processus de production d'une série originale. Matt Damon et son vieil acolyte Ben Affleck y sont les chefs d'orchestre chargés de recruter les personnes les plus appropriés pour travailler au lancement la série (soi-disant) progressiste en question... Et après 4 saisons et 1 épisode diffusés, le moins qu'on puisse dire c'est que la courbe ne risque pas de s'inverser de si tôt.
La production hollywoodienne (en plus de dominer le cinéma mondial moderne) va, semble-t-il, demeurer encore longtemps la chasse (jalousement) gardée des seuls hommes de race blanche que cette partie de l'Amérique repue de ses privilèges veut continuer à voir triompher sur ses grands et petits écrans depuis la Naissance d'une nation (et ce n'est certainement pas ce classement qui démontrera le contraire)
Le problème, en vérité, n'est plus de savoir si c'est la haine, la peur, la bigoterie, la sénilité, l'hypocrisie ou la stupidité qui alimentent les préjugés et animent l'animosité d'Hollywood envers ses petites mains non-blanches. Il s'agit, aujourd'hui, surtout de pouvoir déterminer le sens et l'impact que l'on souhaite donner à l'image de l'Homme Noir. C'est à cette seule condition que les générations prochaines X, Y ou Z peu importe, seront en mesure d'assumer non sans une certaine fierté, les canons de la Nouvelle Esthétique Nègre.
D'ici là, la route est certes longue et difficile car ce n'est toujours pas nous qui la pavons (et c'est, nous en convenons, bien là tout le problème) mais il vaut la peine de mener bataille aussi de ce côté-ci de la pellicule.